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sans chaussettes, sous l Sil envieux du noble Luciano.
� �a vous va comme un gant, soupira-t-il en lorgnant mes
�l�gants souliers en serpent.
�a ne m �tonne pas ! r�pliquai-je, belliqueux. Ce sont
mes pompes � moi, faites sur mesure chez Church. Elles m ont
co�t� cent livres sterling !
C �tait, il n y a pas si longtemps encore, nos pompes !
coupa froidement Maria-Stella et, d un geste sans contredit, elle
m engagea � cesser de me rengorger et � regagner ma place � la
table de jeu.
C est � ton tour, ma lan�a aussi froidement Marion. Tu as
le sceptre , � toi de jouer. �
Je soufflai sur les d�s � travers l orifice form� par mes deux
paumes crois�es, je fermai les yeux et jetai les petits cubes. Il y
eut un brusque silence. Lorsque j eus l audace d entrouvrir un
Sil, je saisis pourquoi dans la mansarde r�gnait une pesanteur
si hostile. Les d�s me faisaient l offrande d un fabuleux � trois
fois six �, le droit de choisir entre l asservissement de Marion ou
celui d Olivier, son petit fianc� aux yeux bleu ciel.
Je les laissai haleter trente secondes, en feignant d h�siter :
Marion ou son beau blondin de vingt ans, aux �paules fluettes,
qui devait l �pouser le mois suivant ?& � force de tergiverser, je
finis par h�siter moi-m�me, jusqu au moment o� Marion
s effondra en larmes.
� D�cide-toi, bon sang ! s �cria-t-elle.
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Eh, bien. J opte r�solument pour& �, articulai-je.
� cet instant pr�cis, des coups de poing retentirent � la
porte.
La police ?& Nous n avions rien � dissimuler aux autorit�s
et notre conscience �tait claire comme l eau de roche. Depuis
longtemps, nous avions cess� de jouer � l argent, et les carcasses
que nous mettions en jeu �taient depuis la naissance notre pro-
pri�t�.
Notre angoisse fut interrompue par l irruption tapageuse
de mon ami et ma�tre bien-aim�, Anthony Speer.
� Comment osez-vous ! � bredouilla Maria-Stella.
Antoine ne lui accorda pas un seul regard.
� Ramasse tes cliques et tes claques et tire-toi ! me lan�a-t-
il sans le moindre m�nagement. Puis, avec un d�go�t profond, il
m �ta la robe de chambre du noble Luciano, et jeta sur mon
torse son manteau de fourrure.
Minute, papillon ! lui dis-je en humant l inappr�ciable
parfum de libert�. Peux-tu patienter une seconde ? �
Il opina du bonnet.
� D�p�che-toi �, marmonna-t-il.
Je me trouvais au milieu de la pi�ce, en chaussures sans
chaussettes, en pantalon sans culotte, un manteau de castor sur
les �paules nues. Je m emparai du pistolet et les filles sursaut�-
rent � l id�e que j allais les massacrer, bien qu elles aient su qu il
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s agissait d un joujou d enfant. Elles comprirent enfin d avoir
enferm� le loup dans la bergerie et de l avoir pris par la queue.
� Voici comment meurent les utopies ! � dis-je.
Le pistolet ne contenait qu une seule charge. Je fis tourner
le barillet et braquai l arme contre ma tempe droite. Cette fois,
la chance ne me trahi pas. Au moment o� le coup partit, je fus
en mesure de sortir dans la nuit venteuse derri�re Antoine
comme un homme relativement libre.
Dans la chute libre&
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UN PYROMANE EN CORSE
Un mois avant mon d�part d�finitif pour Londres, les bot-
tes pleines d une vie qui tirait sans cesse le diable par la queue �
Paris, je psalmodiais sur la m�me note le vers encourageant,
que mon ami Antoine Spiral avait emprunt� � son ami Racine :
� La fuite est permise � qui fuit son tyran �. Les sagesses des
amis de nos amis sont nos sagesses, me dis-je, admettant qu il
�tait grand temps que je jette une bou�e de sauvetage au noy�,
rattrap� par son pass�, avec ses mensonges et ses trahisons de
lui-m�me au go�t de la cendre.
Apr�s les �checs humiliants, il fallait r�inventer la vie.
� l insu d Antoine, j achetai du papier kraft en quantit� suf-
fisante pour emballer un bourg moyen avec sa mairie et sa gare,
et je me mis au travail. Une semaine me suffisait pour empaque-
ter religieusement tout l int�rieur de ma petite tour d ivoire, rue
des Martyrs, � Nogent-sur-Marne, que je venais de mettre en
vente. Pendant quelques jours, je d�battis �prement du prix
avec mon acheteur, puis un beau soir je lui c�dai ma tour pour
deux sous. Tard dans la nuit, je transportai dans une camion-
nette lou�e quelques meubles, tableaux et bibelots jusqu un d�-
p�t, avant d avertir mes voisins qu � l occasion de mon d�part
j organise une petite f�te pendant laquelle ils pourraient
s approprier n importe quel des objets restant � la voirie de ma
vie.
Au rez-de-chauss�e, pour ainsi dire, il n y avait presque
plus rien, mais le grenier restait bourr� de vieilleries. Gr�ce �
cela, ma f�te se transporta rapidement sous le toit, o� nous
avions la preuve qu une vie humaine moyenne laisse derri�re
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elle beaucoup plus de d�chets que ses r�ves les plus courageux
lui promettaient pour son avenir.
Chose �trange, mes h�tes avaient eu un rapport diff�rent
envers le pass� du ma�tre de maison. Assis sur le cadre de la
fen�tre du rez-de-chauss�e car il n y avait plus rien d autre
pour s asseoir je les observais par-dessus le bord larmoyant de
mon verre en train de nettoyer le contenu du grenier comme des
bousiers acharn�s. En d�pit de leur bonne �ducation, ils ne
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